Le Slip gagne du terrain / Mathilde Carton
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Campagne publicitaire mondiale lancée à la mi-mars 2025, mettant en scène Bad Bunny pour Calvin Klein, réalisée par Mario Sorrenti, avec des codes visuels emblématiques de la marque (noir et blanc, focus sur l'élastique du boxer, poses suggestives, caméra tremblante). Les visuels deviennent viraux en quelques heures, générant plus de 45 millions d'impressions sur les réseaux sociaux, un bond de 18% des recherches " Calvin Klein underwear " dans les jours suivants, 20 millions de vues sur TikTok et 30 millions sur Instagram en moins d'une semaine. Cette campagne s'inscrit dans une tendance où les sous-vêtements masculins bénéficient d'un traitement publicitaire intensif, avec d'autres égéries comme David Beckham pour Hugo Boss, Patrick Schwarzenegger pour Skims, Jeremy Allen White, Michael B. Jordan et Jacob Elordi pour Calvin Klein.
Les marques misent sur la notoriété de leurs égéries, capables de fédérer des communautés et d'incarner des valeurs de séduction et de décontraction. David Beckham, par exemple, est perçu comme une marque à lui seul, cumulant capital sympathie, image de quinquagénaire sportif et décontracté. Skims cible une clientèle jeune et connectée en choisissant Patrick Schwarzenegger, star de la série " White Lotus ". Bad Bunny, 31 ans, cumule 80 milliards d'écoutes sur Spotify (devant Taylor Swift), une tournée mondiale complète en quelques minutes, et une apparition dans le prochain film de Darren Aronofsky. Il incarne une masculinité androgynique, élargissant l'attrait des sous-vêtements Calvin Klein à un public féminin.
Sur le plan commercial, le marché reste stable malgré une attention accrue au prix depuis la pandémie de Covid-19. Les ventes de sous-vêtements masculins ont peu baissé en volume en 2025. Les marques institutionnelles (Hom, Eminence) restent dans le Top 5, mais les marques globales (Ralph Lauren, Calvin Klein, Hugo Boss) gagnent du terrain. En France, un homme achète des sous-vêtements en moyenne deux fois par an, pour un budget total de 60 à 80 euros. Le boxer domine le marché avec environ 55%, suivi du slip classique à 30%, le caleçon à 10% (profil urbain CSP+), et 5% pour des modèles atypiques comme les strings.
Le sous-vêtement masculin est un produit d'appel, à faible coût mais à forte valeur symbolique, permettant aux marques de s'inviter dans l'imaginaire des consommateurs, notamment en période de ralentissement économique où l'on privilégie des formes de luxe abordables. Les campagnes publicitaires misent sur des physiques athlétiques et normés, majoritairement blancs, malgré quelques tentatives d'inclusion de morphologies variées. La moitié des achats de sous-vêtements masculins sont réalisés par des femmes pour leur conjoint. Les campagnes ciblent aussi un public gay ou queer, s'appuyant sur une grammaire homoérotique héritée des années 1990 (Herb Ritts, Bruce Weber pour Calvin Klein).
Historiquement, le slip masculin est associé à la virilité et au sport, comme en témoigne le catalogue Manufrance de 1909 ou les publicités d'Eminence en 1948. Les années 2000 voient l'apparition de modèles gainants valorisant le " bulge ", à l'image du push-up féminin. Aujourd'hui, certaines marques (CDLP, Ron Dorff, Derek Rose) misent sur le luxe discret, d'autres sur l'érotisme (Diesel, LNG, Versace). Dolce & Gabbana intègre le sous-vêtement masculin à son esthétique méditerranéenne.
Le marché évolue peu, le sous-vêtement restant un produit de base et de renouvellement régulier, sans croissance significative. Le Slip français, après 14 ans d'existence, ferme ses boutiques physiques pour intégrer la grande distribution, tout en maintenant une production locale et une volonté de représenter des physiques " aspirationnels " et " de la vraie vie ". La marque revendique la création d'emplois en France et la réduction de l'empreinte carbone, en opposition à l'image des mannequins américains pour des produits fabriqués à l'étranger.
Chiffres clés :
Plus de 45 millions d'impressions sur les réseaux sociaux pour la campagne Bad Bunny x Calvin Klein.
18% d'augmentation des recherches " Calvin Klein underwear " dans les jours suivants la campagne.
20 millions de vues sur TikTok et 30 millions sur Instagram en moins d'une semaine pour le clip de Bad Bunny.
Bad Bunny : 80 milliards d'écoutes sur Spotify, devant Taylor Swift.
En France, un homme achète des sous-vêtements en moyenne deux fois par an, pour un budget total de 60 à 80 euros.
Répartition du marché : boxer 55%, slip classique 30%, caleçon 10%, modèles atypiques (strings) 5%.
Voir le numéro de la revue «Echos week-end (Les), 451, 28 Juin 2025»
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